Michel Martinez, président du FCG, et Eric Pilaud, président du Conseil de Surveillance du Club, font le bilan de la saison dernière et se projettent sur la suivante
Vous sortez d’une période de silence. Ce silence était-il dû la déception de la descente ou la difficulté à préparer la saison à venir ?
« La déception fait partie du sport, donc il a fallu la digérer rapidement. Mais la meilleure façon de le faire c'est de se remettre au travail, ce que nous avons fait ! Nous avons beaucoup travaillé pour consolider un groupe compétitif dans le cadre des contraintes d’un budget de Pro D2. Comme il y a beaucoup de situations contractuelles particulières comme des clauses de départ en cas de descente en Pro D2, il y a eu beaucoup de négociations, et tant que ces négociations n’avaient pas abouti, il n’aurait pas été sérieux de communiquer alors que rien n’était décidé. »
Donc nous comprenons que vous êtes prêts à nous parler de la saison prochaine, mais pouvons-nous revenir sur la saison passée et avoir votre analyse sur les causes de la descente et les leçons que vous en tirez ?
« Tout d’abord, essayons de ne pas avoir la mémoire courte : lorsque nous sommes montés l’an dernier en Top 14, beaucoup nous ont posé la question « n’est-ce pas trop tôt ? ». Nous avions répondu qu’une montée ne se refuse pas et que nous ferions au mieux. Nous n’avions pas spécialement prévu de remonter si rapidement mais que le Top 14 est un véritable accélérateur pour notre projet. La réalité économique du rugby Français est qu’il y a, aujourd’hui en Top 14, 11 clubs qui ont les moyens d’avoir une forte masse salariale et 3 plus modestes qui jouent leur propre championnat pour le maintien et que seul le gagnant de ce championnat à 3 se maintient. Le système de montée de Pro D2 mis en place l’an dernier fait que les équipes qui montent ont un handicap supplémentaire par rapport à l’équipe qui s’est maintenue en Top 14, c’est de ne pouvoir compléter son recrutement qu’à la dernière minute. Tout comme Perpignan, nous avons donc perdu ce championnat à 3 face à Agen. Nous en tirons les leçons, car il faut reconnaitre qu’Agen a su saisir chaque opportunité qui se présentait, alors que nous avons certes fait beaucoup de bons matchs où nous avons perdu de peu, mais sans rien retirer sur le plan comptable. »
Concrètement, quelles leçons en tirez vous ?
« Qu’il faut que le groupe ait davantage l’instinct tueur, pour marquer quand on a l’occasion, pour tenir un résultat… Par ailleurs, nous nous étions promis, après une année compliquée dans ce domaine en Pro D2, d’améliorer la mêlée. C’est une satisfaction. Nous avions recruté dans cette optique et fait évoluer nos systèmes et méthodes d’entrainement en conséquence. Nous appliquons la même approche sur ce qui auront été nos points faibles cette saison : l’attaque qui doit être moins prévisible et notre défense dans deux secteurs : la défense des ballons portés et la défense sur des adversaires qui percent au centre. Le ciblage de notre recrutement et l’évolution des méthodes de travail dans ces secteurs doivent nous procurer une amélioration. »
L’évolution du staff que vous avez annoncée relève-t-elle de ces leçons tirées ou a-t-elle été subie ?
« Nous avions la volonté de clarifier le leadership du groupe, avec une seule tête pour que les joueurs sachent clairement qui est le boss. Par ailleurs, le rugby d’aujourd’hui est global et il faut éviter de cloisonner avec des spécialisations à outrance dans le staff, et donc éviter un cloisonnement avants vs arrières, attaque vs défense... Stéphane Glas et Sylvain Bégon sont dans cette approche globale et collaborative. En termes de leadership, Stéphane de par son expérience tant de joueur que d’entraineur et son style très inclusif est l'entraineur que nous voulons voir porter notre projet ! Comme Dewald Senekal a eu cette opportunité au Stade Français, nous avons saisi l’opportunité pour apporter du sang neuf, de nouvelles méthodes et un nouveau style. »
Que répondez-vous à ceux qui s’étonnent de la promotion de Stéphane Glas alors que l’attaque, dont il était responsable, a été un point faible la saison dernière
« Que nous avons joué l’an dernier avec nos moyens, et avec des systèmes de jeu qui correspondaient à nos capacités, face à des défenses de grosses écuries. D’ailleurs les quelques fois où nous avons voulu être plus audacieux, nous avons été punis par des interceptions et des contres qui nous ont crucifiés. Stéphane a démontré à Montpellier et Oyonnax qu’il savait mettre en place des systèmes efficaces, adaptés aux caractéristiques de ses joueurs. Le profil des joueurs ciblés dans notre recrutement est aussi destiné à offrir plus d’options de jeu. »
Et que répondez-vous à ceux qui disent que le retour de Sylvain Bégon est un retour vers le passé ?
« D’abord nous ne renions pas le passé ! Et nous nous souvenons de tout l’excellent travail que Sylvain a accompli au club. Ensuite, depuis quelques années, il a été exposé aux équipes de France U20. Le rugby international U20 est en quelque sorte le laboratoire du jeu moderne. Donc que Sylvain apporte tout son savoir et sa capacité d’innovation dans le jeu nous semble être une excellente chose. »
Venons-en aux joueurs. N’est-ce pas décourageant de se faire piller chaque année et comment avoir de l’ambition dans ce contexte ?
« Ce discours sur le pillage est caricatural. Nous avons eu moins de départs que la plupart des clubs qui descendent de Top 14, notamment Oyonnax et Brive l'année dernière. Certes le départ de certains jeunes formés au club comme Killian Geraci, Ali Oz ou Gervais Cordin nous peinent car notre projet est vraiment basé sur la formation. Mais ce serait oublier que d’autres, comme Etienne Fourcade, Mikael Capelli, Dylan Jacquot ou Bastien Guillemin sont avec nous et constitue une sacrée ossature pour le futur. Nous avions beaucoup de joueurs qui disposaient d’une clause de départ en cas de descente en Pro D2. Pour être honnête il était souhaitable que certains l’exercent pour soulager les finances du club, mais pas trop pour ne pas affaiblir le groupe. Et sincèrement, nous sommes satisfaits du nombre limité de départs. Je vais vous paraître provocateur, mais nous considérons que nous avons un groupe plus compétitif que l'année dernière. En effet, au niveau des lignes arrières, les joueurs qui ont enchainé le plus de titularisations sont tous restés et nous avons fait 2 super recrutements à la charnière avec Eric Escande et Enzo Selponi. Au niveau des avants, le départ de Loic Godener est compensé par l’arrivée de Deon Fourie, et les départs en deuxième et première lignes sont compensés par l’arrivée de joueurs de niveau Top 14 comme Andrei Ostrikov, William Demotte, Michaël Simutoga entre autres. Et de jeunes joueurs formés au club tels que Thibaut Martel, Eli Eglaine, Romain Fusier, Corentin Glénat, Nathanaël Hulleu, Mathis Sarragallet et d’autres, vont montrer le bout de leur nez. »
Vous dites souvent que le projet du club est un projet long terme, au-delà des aléas sportifs à court terme. Qu’entendez vous par là ?
« Notre but est d’installer le club à terme dans l’élite du rugby Français. Compte tenu de la réalité économique du rugby que nous évoquions plus tôt, cela passe par notre capacité à s’appuyer encore plus sur une formation performante, un recrutement efficace et la capacité à dégager des recettes supplémentaires. Tout ceci requiert des investissements et de la patience, et surtout de garder le cap ! »
Concrètement quels sont vos chantiers actuels ?
« Pour le court terme, nous sommes dans la préparation de la saison prochaine mais aussi de la suivante. Nous finalisons bien sûr l'effectif et notre staff, mais en parallèle nous sommes sur le budget pour la prochaine saison, notre actionnariat, la campagne de renouvellement de nos partenaires, le lancement des abonnements, et quelques autres dossiers chauds. Et bien sûr nous continuons à travailler avec Franck Corrihons et son équipe sur la formation et l’innovation rugbystique avec un projet ambitieux, mené avec l’Association. Ce projet, appelé DAIFI, vise à nous re-donner un coup d’avance dans le domaine de la formation. Nous travaillons aussi à la construction à Lesdiguieres d’un centre d’entrainement et de performance moderne qui serve aussi de lieu de convivialité pour nos supporters et partenaires. »
Vous parlez beaucoup de finances. Parlez-nous du budget.
« Concernant notre masse salariale joueur, elle était de 6,5M€ en Top 14 et sera autour de 4,6M€ en Pro D2. D'ailleurs je veux rétablir certaines vérités par rapport à ces chiffres. Les clubs parlent de masses salariales brutes, communiquées par la DNACG. Elles ne comptent pas les charges, les avantages en nature, ni les coûts du staff sportif ou médical. Pour vous donner un ordre d'idée sur le budget de 18 millions que l'on avait cette année en Top 14, le coût global du sportif est autour de 13 millions d'euros. Si certains joueurs ont déjà dans leur contrat un salaire Top 14 et un salaire Pro D2, vous comprenez bien que pour passer de 6,5M€ à 4,6M€, il fallait effectivement accepter quelques départs. Notre budget global sera d’environ 13 Millions. »
Avec ce budget, pour être clair vous voulez remonter directement ?
« Cette question, je la connais bien et je dois vous avouer qu'elle me fait sourire. Tout notre entourage nous pousse à dire « On veut remonter directement ! » mais à quoi cela sert de le dire ? Vous pensez que nous manquons d'ambition si nous n'affichons pas cet objectif ? Notre projet c'est de pérenniser le club en Top 14, il faudra bien remonter à un moment pour ça ! Mais vous pensez que les joueurs et le staff ont besoin d'une telle pression du genre « On est champion ou c'est un échec », vous pensez que cela va les faire mieux jouer ? Vous pensez que nos abonnés vont se réabonner si on dit juste « On veut remonter directement ? ». Ce n’est que de la com, ce type d'annonces. Toutes les équipes vont venir au Stade des Alpes sans pression et voudront faire tomber Grenoble à domicile. Nous savons exactement où l'on met les pieds. On monte quand on gagne plus de matchs que les autres, on gagne des matchs quand on joue mieux, et on joue mieux lorsque l'on s'entraîne mieux et que l'on est prêt à mourir pour son coéquipier. Commençons par le commencement, le reste n'est qu'une conséquence. »
La campagne d'abonnement vient de débuter, pouvez vous nous en dire quelques mots ?
« Oui, elle a attaqué le 11 juin sur internet et en parallèle nos commerciaux rencontrent tous nos partenaires. Bien sûr je sais que des gens sont déçus. Certains se posent des questions légitimes sur leur engagement avec le club. Mais sachez que la marque de fabrique du FCG a toujours été de traiter avec le plus de professionnalisme et d'attention possible tous ses clients. Cela ne changera pas. Nos prestations resteront qualitatives et nous sommes probablement le club ou l'un des clubs, qui pratiquons les prix les plus bas de Pro D2 pour nos abonnés pour une place assise en tribune. 110€ pour un ancien abonné en en-but alors que Perpignan a gardé ses prix du Top 14 à 250 € pour le même type de places et que même un promu comme Valence Romans a des premiers prix à 150 €... C'est un énorme effort que l'on fait pour que l'on puisse tous ensemble vivre une formidable saison. C'est important de le dire et d'en avoir conscience : on a le plus beau stade de la ProD2 avec les prix les plus accessibles. Le FCG est le Club de tous les grenoblois, cela ne changera pas ! »
Vous êtes donc confiant et serein ?
« Confiant pour le futur car le club est une institution et que nous construisons un édifice solide. Confiant à court terme car je crois en ce groupe et en ce staff. Et impatient que la saison commence et de retrouver l’adrénaline de la compétition ! »
Auteur : FCG Rugby