Il y a quelques semaines, avant le confinement, Jérôme Rey nous avait ouvert les portes de sa ferme. Le pilier gauche du FCG exerce aussi le métier d'éleveur à Saint-Vital, en Savoie
Quelle est la taille de ton exploitation.
« On a environ 75 têtes. Des bovins. Tout ce qui est vache, génisse et veau. On a 250 poules pondeuses, qui sont derrière l'exploitation. Nous avons 60, 65 hectares de SAU, 10 hectares de céréales pour l'alimentation. Et, tout le reste, pour du pâturage et des foins l'été. »
Comment en es-tu venu à devenir éleveur ?
« J'ai voulu vraiment travaillé, depuis le début, à mon compte, transpirer pour moi. À mes 18 ans, j'ai pris les devants. J’ai eu mon bac au mois de juin. Quelques mois après, au mois de novembre, j’étais installé. Je louais un bâtiment un petit peu plus loin. Pour commencer. Parce que les investissements étaient énormes. Et, ensuite, j'ai créé de zéro. Ici, c'était du pré. Mon père m'a donné le terrain. Et j'ai tout attaqué de zéro, quand j'étais encore à Bourgoin. »
Donc tu as commencé l’élevage avant d’y ajouter le rugby ?
« On va dire que j'ai un peu marché à l'envers. On va me dire qu'on est fou de faire tout ça. Sauf que, comme je vous ai dit, j'étais très vite de mon côté. Je n'ai pas perdu de temps. À mon bac, je me suis installé. Et, 6 mois après, Bourgoin me fait signer mon premier contrat pro. Une fois que la roue est lancée, on va dire que c'est compliqué à lâcher. Vos emprunts sont là. Vos bêtes sont là. Mentalement, c'est dur d'arrêter. Ça fait maintenant six ans. Et, c'est vrai que je suis en train d'évoluer de plus en plus (dans le rugby), ça commence à devenir compliqué. Donc il y a une solution à trouver rapidement. »
Comment arrives-tu à gérer tes deux métiers au quotidien ?
« Avant, c’était différent. En venant de Chambéry, une division en-dessous. La route, un petit peu moins longue. Je pouvais soigner le matin, je m'entraînais. Je revenais l'après-midi et je faisais tout ce qui était soin, tout ça. Arrivé à Grenoble, j'ai essayé la première semaine. D'entrée, j'ai vu que c'était impossible. Maintenant, un jour-type, avant de partir à l'entraînement, je viens sur l'exploitation voir s'il n'y a pas une vache qui est malade, voir si elle est en train de mettre bas, si il n'y a pas une bête coincée. Un truc quelconque. Je pars à l'entraînement. Mon père, qui est à l'usine pour l'instant, qui travaille à mi-temps, de 4h à 8h30, fait son premier taf'. Et après, pour son deuxième, il vient m'aider sur l'exploitation. C'est lui qui va donner l'alimentation. Pour ma part, je m'entraîne déjà depuis un moment à Grenoble. Une fois que j'ai fini la journée, je reviens ici et je vais faire tout ce qui est tâches : paillage, leur mettre un lit de paille, tout ce qui est commercialisation de viande, pour la vente directe, gérer mes clients, et gérer les problèmes qui ont pu arriver dans la journée. »
Et sur les longs déplacements, comment tu gères ?
« On va dire que tous les longs déplacements, je les fait. C’est compliqué. Après, comment ça marche. J'anticipe mon départ. Tout ce qui est alimentation, pour deux jours, est mis à disposition devant les bêtes. Et il y a juste mon père qui repousse la ration. Et puis des coups de téléphone assez régulièrement. »
Est-ce que le fait de gagner ta vie comme rugbyman te permets d’être plus souple dans ta gestion de l’exploitation ?
« Je suis quelqu'un qui est vraiment basé sur l'économie. Certes, je touche un salaire par le rugby, je vis par le rugby. Mais, tout ce qui va être gagné sur l'exploitation sera réinvesti sur l'exploitation. Disons que je fais grossir l'exploitation jusqu'à ce que j'arrête le rugby. Si je viens, par la suite, à m'installer à temps plein sur l'exploitation, qu'on puisse partir, qu'il y ait juste les bottes à mettre et aller travailler. »
Comment réagissent tes collègues du FCG à cette double-activité ?
« Dans le groupe, je peux dire merci à mes collègues. J'ai eu le respect assez facilement. On peut dire comme ça. J'ai des questions, bien sûr. Comment je fais. Qu'est-ce qu'il y a à la ferme. Qu'est-ce que je fais. Ça fait plaisir de parler aussi de l'autre côté avec les collègues qui ne connaissent pas. En espérant qu'on puisse faire une journée de cohésion à la ferme durant l'été. »
Tu n’as pas de traitement de faveur de la part des entraîneurs ?
« Non, pas du tout. Après, je le savais. Plus je vais monter, plus il faudra être bon sur le terrain. Si t'es bon, tu joues. Si tu n'es pas bon, tu ne joues pas. C'est à moi de trouver les solutions derrière. Je ne vais pas dire qu'ils sont méchants avec moi. Je le savais depuis le début. Et on sait dans quoi on s'embarque. »
Parmi les petites histoires à raconter, il y a ce qui t’est arrivé hier soir. Tu peux nous raconter ?
« Ce sont les imprévus. Je préviens ma femme et le petit que je serai de bonne heure à la maison. J'arrive de l'entraînement, 16h à la maison. Je me change. Je viens à la ferme. Une vache était en train de mettre bas. J'arrive, je commence à regarder. Je vois qu’il y a un souci. Le veau venait par l'arrière, par le siège. On essaye par nos premiers gestes d'y faire tout seul. Le veau était assez gros, donc je n'ai pas pu faire tout seul. J'ai appelé un vétérinaire hier soir à 19h. On s’est retrouvé à faire une césarienne à une vache pour mettre bas le petit. Finalement, le petit a été sauvé et la vache est sauvée. Et voilà. »
Où peut-on déguster ta viande ?
« La vente directe, pour libérer un peu le téléphone, ma femme a fait un site internet. producteur-viande-rey.fr. Ensuite, par mail, par téléphone. En direct aussi. Des gens qui viennent me voir. Comment on fait. Et souvent je prends commande. On fait tuer une vache, un veau par mois. Donc, régulièrement, vous pouvez avoir de la viande fraîche dans votre assiette. »
Auteur : FCG Rugby